lundi 5 octobre 2009
La chanson de la vague
Le rivage puissant est mon bien-aimé, et je suis son amante.
Nous sommes enfin réunis par l'amour, et ensuite la lune me sépare de lui.
Je vais à lui en hâte et repars à contre-coeur avec plein de petits adieux.
Je pars rapidement de derrière l'horizon bleu pour répandre l'argent de mon écume sur l'or de son sable,
et nous nous mêlons dans l'éclat en fusion.
J'apaise sa soif et submerge son coeur
il adoucit ma voix et soumet mon tempérament.
A l'aube, je récite les règles de l'amour dans
ses oreilles, et il m'embrasse avec ardeur.
Le soir, je lui chante la chanson de l'espoir
puis je dépose de doux baisers sur son visage ;
Je suis prompte et craintive, mais il est calme, patient et rêveur.
Sa large poitrine apaise mon agitation.
Quand la marée arrive, nous nous caressons ;
Quand elle se retire, je me laisse tomber à ses pieds en prière.
Maintes fois, j'ai dansé autour des sirènes,
quand elles sortaient des profondeurs pour se reposer
sur ma crête afin de contempler les étoiles.
Maintes fois, j'ai entendu les amants se plaindre
de leur petitesse, et je les ai aidés à soupirer.
Maintes fois, j'ai taquiné les grands rochers
et les ai caressés d'un sourire,
mais je n'ai jamais reçu de rires de leur part.
Maintes fois, j'ai soulevé des âmes qui se noyaient
et les ai portées tendrement vers mon rivage bien-aimé.
Il leur donne sa force comme il prend la mienne.
Maintes fois, j'ai volé des gemmes aux profondeurs,
et les ai présentées à mon rivage bien-aimé.
Il prend en silence, mais je donne encore,
car il m'accueille toujours.
Dans la lourdeur de la nuit,
quand toutes les créatures recherchent le fantôme du sommeil,
je me redresse, chantant un moment et soupirant l'instant d'après.
Je suis toujours en éveil ...
La chanson de la vague
Khalil Gibran
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